Cours de dessin et peinture en ligne
La couleur
La formation naturelle des contrastes
La couleur est une notion que tout le monde comprend de façon intuitive, mais qu’il est bien difficile de définir de manière universelle.
Introduction
La notion de couleur
La couleur du physicien n’est pas celle du peintre, celle du physiologiste n’est pas celle du linguiste et pourtant, tous sont censés parler de la même chose.
L’utilisation de la couleur relève elle-même de différents attributs selon qu’il s’agisse de lumière (infographie, phénomène naturel) ou de matière (peinture sur support ou impression), et la transition et la transcription de la couleur d’un domaine à l’autre pose nombre de problèmes... que la transcription se fasse dans un sens ou dans l’autre.
Initialement la couleur est une question de physique, tout commence par l’interaction entre le rayonnement électromagnétique et les électrons de la matière. La couleur est issue de la lumière et porte celle-ci en partie.
La lumière
La lumière, elle, a longtemps entraînée une polémique sur sa nature, ondulatoire ou corpusculaire ? On a finit par admettre que si elle était bien une onde, elle pouvait néanmoins se comporter comme un corpuscule.
En revanche, l’utilisateur de peinture a presque l’effet inverse, et l’utilisation de "couleur matière" a tendance à faire oublier qu’en fait, la couleur n’est pas une matière, mais bien une lumière, et nous ne voyons que les objets qui produisent ou transforment la lumière.
Ce qu’il y a peut-être à retenir de cette initialité de la couleur, c’est qu’elle fait partie des phénomènes lumineux, et qu’en tant que telle, elle est le fruit des états et des changements d’états au plus profond de la matière.
Depuis toujours, l’homme cherche à manier la couleur, depuis Lascaux jusqu’aux Égyptiens, de la création des premières teintures aux pigments synthétiques, l’homme cherche à maîtriser la couleur. Mais cherchant cela, il s’est vite confronté à un autre problème : la couleur que l’homme perçoit -par le biais de ses yeux- est d’origine lumineuse, celle qu’il manie est, elle, d’origine non lumineuse.
Aussi, il est devenu nécessaire pour maîtriser la couleur d’en maîtriser sa représentation, puisque l’on agit avec des matériaux d’une autre nature nécessitant une lumière qui ne leur est pas "propre".
Mais plus encore, on s’est vite rendu compte que la difficulté à manier la couleur venait aussi de notre manière de la percevoir.
On peut déjà dire que la couleur se définit de façon physique (longueur d’onde), qu’il est nécessaire pour la représenter de trouver une substance opaque ou transluicide renvoyant cette couleur, et qu’il fallait de plus s’assurer que cette couleur était perçue telle qu’elle, c’est à dire, telle qu’on voulait qu’elle se fasse ressentir.
Cela peut paraître une reflexion faite pour tourner en rond, bien au contraire. La maîtrise de la couleur passe par cette compréhension, par cette conscience d’un quelque chose d’indirecte entre nous et la couleur.
La représentation de la couleur
Wittgenstein fait la distinction entre deux types de représentation : la représentation qui est le rapport entre ce qui représente et ce qui est représenté, et la représentation en tant que rapport entre ce qui représente, et ce que, celui à qui la représentation est adressée, se représente. La représentation est un médiateur, un média, et la couleur que l’on utilise est justement un médiateur entre l’onde électromagnétique (l’essence de la couleur) et nous. En cela, en dehors du descriptif physique de la couleur, on peut dire que la couleur -pour nous- est sensation.
On parle d’ailleurs souvent de sensations colorées, et cette sensation n’existe que si un appareil visuel (l’oeil) la capte (c’est à dire capte le rayonnement électromagnétique) pour en transmettre une information au cerveau.
La gamme des rayonnements susceptibles de stimuler l’oeil est extrêment étroite : longueurs d’ondes comprises entre 400 et 750 nanomètres, soit l’équivalent d’un octave sur soixante dix du spectre "lumineux" complet. Pour l’oeil, les longeurs d’ondes inférieures ne sont pas perceptibles, celles supérieures en détruisent la matière organique. Seule cette toute petite zone modifie l’oeil de façon réversible : c’est cette gamme du spectre électromagnétique que l’on appelle lumière et qui se compose néanmoins d’une infinité de couleur.
L’oeil n’est qu’un réceptacle, et c’est dans le cerveau que la couleur se construit, comme d’ailleurs tout notre monde perceptif. Toute fois, les premiers stades cérébraux de ce traitement du message venu de l’oeil ne sont pas encore la couleur au sens ou nous l’entendons, car la neurophysiologie prétend, non pas décrire la sensation colorée elle-même, mais plutôt les conditions biologiques de son existence.
Au cours de cette construction chromatique, un stimulus isolé n’a pas de sens, car son apparence dépend de façon cruciale de ce qui l’environne.
Delacroix disait :
" Donnez moi la boue des rues et j’en ferais la chair de femme la plus délicieuse si vous me permettez de l’entourer de couleurs à ma guise."
Il n’est donc pas exact de parler de " vision des couleurs ", comme si les couleurs étaient une vision objective préexistante dont nous aurions seulement à prendre connaissance. Il vaudrait mieux parler de "visions colorées" et même de "visions colorantes" dans la mesure où c’est le processus visuel lui-même qui engendre la couleur.
On ne peut concevoir une couleur seule, et tout le processus visuel implique l’opposition, la juxtaposition de plusieurs couleurs.
Ce processus se retrouve dans la construction de l’image à travers les différents contrastes que toute image présuppose. Ainsi, de même que les premières techniques évoluées de mise en couleur (icône), la restauration de tableaux va utiliser pour la réintégration picturale des techniques de mélange optique de la couleur en appoint aux mélanges physiques.
Si l’on demandait si un objet a toujours ses couleurs lorsqu’on ne le regarde pas, le physicien et le physiologiste répondraient que non seulement il n’en pas quand on ne le regarde pas, mais qu’il n’en a pas plus quand on le regarde ; la couleur n’est pas une pellicule posée sur l’objet, mais une sensation interprétée dans le cerveau de l’observateur, au delà de tous les mécanismes neurobiologiques qui ont concouru à son émergence.
On pourrait dire que d’un certain point de vue, ce que nous appelons couleur est une façon pour nous de percevoir une certaine gamme d’ondes électromagnétiques, mais que rien ne dit que c’est ainsi qu’elles sont véritablement.
Notre perception de la couleur est déjà une représentation de la couleur.
Enfin, pour en finir avec cette introduction, il est à noter que la couleur porte des valeurs et symboles différents selon les civilisations, qu’elle dépend dans sa perception du support qui en porte le vecteur (une couleur portée par une matière iridescente n’a pas le même aspect que portée par une matière brillante ou mâte), et que rien ne nous dit que pour nous le monde n’est ni tel qu’on croit qu’il est, ni tel que les uns et les autres croient qu’il est aussi, et que comble de l’ironie, peut-être qu’aucun d’entre nous ni ne le perçoit, ni ne se le représente d’une façon identique, même si nous utilisons les même mots pour le décrire.
La couleur n’est pas simplement un épineux problème physique, c’est aussi un vaste problème philosiphique, psycholologique, physiologique et esthétique, et qui de plus cherche parfois sa correspondance avec le monde des sons, celui des goûts, des sentiments et des croyances, du moment et du langage.
Couleurs et lumière : classification
"Les philosophes disent que l’on ne peut voir aucune chose qui ne soit revêtue de lumière et de couleur. C’est pourquoi il existe entre les couleurs et les lumières une très grande parentée qui permet de voir. On en comprend l’importance au fait que, si la lumière meurt, les couleurs meurent également, et lorsque la lumière revient, les couleurs se rétablissent en même temps que la force des lumières."
Leon Battista Alberti, De la peinture -1435
Origine de la classification des couleur
On a pas donné à travers le temps les mêmes relations entre couleur et lumière. La première position philosophique qui perdura fut celle d’Aristote (-384/-322). Il assimile la clarté et l’obscurité de l’air à la blancheur et à la noirceur des corps et considère le blanc et le noir comme des couleurs.
Ce sont, pour lui, des couleurs particulières : non seulement elles apparaissent en tant que pôles extrêmes des couleurs, mais aussi et surtout, elles sont sources de toutes les couleurs, celles-ci résultant d’un mélange dans certaines proportions de noir et de blanc (point de vue, provenant en partie chez Aristote, d’un parallèle avec la musique et les proportions de l’harmonie).
Au XVIIè siècle, les couleurs sont classées suivant un axe de clarté qui va du blanc au noir (schéma 1). Autrement dit, les couleurs sont classées selon un ordre achromatique : celui de la clarté.
Aujourd’hui, les couleurs sont classées selon trois paramètres : la teinte, la luminosité, la saturation. Cette ancienne conception à donner au langage des couleurs tout une série de termes plus ou moins flous : le ton, la valeur, les gammes...
Même si elle perdure jusqu’au XVIIè, la notion de couleur aristotélicienne va se complexifier du fait des connotations théologiques que prend la lumière au moyen-âge : celle-ci prend un double aspect, une double nature, celle du lux , l’essence lumineuse proprement dite, ou la source de l’illumination (identifié à Dieu - qui d’ailleurs s’identifie aussi au Verbe) et celle du lumen, son "espèce", son aspect matériel considéré aussi comme un agent qui rend possible la perception lumineuse ou colorée
De cela, il ressortait après des relations couleurs-lumière plutôt complexes, que la couleur était du côté du lumen, comme une couche recouvrant les objets ou les matières. Ce qu’il y a d’intéressant dans cette conception, c’est qu’elle amène une idée séparatrice entre la lumière et les couleurs et qu’elle introduit indirectement l’idée que la couleur et la lumière diffèrent au niveau de notre perception de ce qu’elle sont dans leur essence, point de vue développer aujourd’hui comme nous l’avons vu dans l’introduction, même si son développement tient à d’autres raisons.
La classification " moderne "
Il faut attendre Issaac Newton (1642-1727) pour qu’apparaisse une réelle évolution du point de vue sur la lumière. L’intuition géniale de Newton est que, contrairement à l’idée admise jusqu’alors d’une lumière blanche et homogène, la lumière était pour lui, hétérogène, c’est à dire composée de "rayons" selon son propre terme.
A travers les expériences antérieures et postérieures sur le prisme, Newton va amener l’idée que l’on peut classer les couleurs non plus part clarté, mais d’un point de vue plus chromatique : le degré de réfrangibilité.
C’est cette classification des couleurs que l’on rencontre dans le disque chromatique dont je parlerais plus tard.
Cette nouvelle conception a eu un impact considérable sur le mélange des couleurs, en effet, la décomposition du spectre lumineux par un prisme entraîne que la lumière blanche est une lumière obtenue par le mélanges de couleurs, et la lumière naturelle (solaire) devient donc la source même des couleurs, point de vue qui culminera avec l’impressionnisme et le post impressionnisme qui considérera la lumière comme un révélateur des vibrations colorées disposées dans la nature.
Mais on se trouva vite confronté à un problème : pourquoi le mélange de lumières colorées donnait-il du blanc, alors que le mélange de pâtes colorées donne du noir ? Il a fallut attendre les travaux de Hermann Ludwig Ferdinand von Helmholtz, au milieu du XIXè siècle, pour que soient clairement exposées les règles de mélange additif et soustractif des couleurs (schéma 2).
Quand on projette sur un écran trois faisceaux de lumière colorée (orangé, outremer et vert), leur mélange donne du jaune, du cyan et du magenta ; à l’intersection des trois on trouve du blanc. On qualifie d’additif ce type de mélange, car chaque faisceau ajoute ses caractéristiques propres. Par opposition, les couleurs matières vont donner du noir et les couleurs primaires lumière en mélange deux à deux. Ce mélange est appelé soustractif, parce qu’il agit comme si, chaque couleur, se comportait comme un filtre absorbant une partie de la lumière.
Une matière absorbe tout le rayonnement qu’elle ne "réémet" pas, ainsi chaque couleur est privée de ce que l’autre absorbe, d’où obscurcissement de la matière. Dans la pratique, on obtient plutôt un gris dépendant des proportions de chaque couleur.
Le point de vue Newtonien n’a pas été le seul point de vue sur les couleurs de l’époque. On trouve notamment un point de vue totalement opposé, celui de Johann Wolfgang von Goethe qui prône un point de vue plus spirituel et continue à rattacher les couleurs à la lumière selon un mode aristotélicien, mais il est surtout le premier à réellement affirmer une différence entre les couleurs physiques et les couleurs physiologiques.
Pour lui, ces couleurs physiologiques sont engendrées par l’absence de lumière : c’est le début de la notion moderne de postimage (couleurs que l’on perçoit lorsqu’on ferme les yeux, même dans un lieu obscur).
Ce qu’il il y donc d’intéressant dans le point de vu de Goethe, c’est que certains phénomènes chromatiques peuvent être produits sans source lumineuse directe.
De plus, il met l’accent sur des phénomènes de contraste que le chimiste Michel-Eugène Chevreul confirmera (sans être au courant des travaux de Goethe) quelques trente années plus tard. Enfin, il redonnera aux couleurs le contenu spirituel (principalement lié à la luminosité intrinsèque des couleurs saturées) que la froide analyse newtonienne leur avait ôté.
Si la couleur n’est pas la lumière, pas plus que la lumière est la couleur, il est toutefois important de garder à l’esprit le lien étroit qui les anime. Ainsi, Henry Matisse était fasciné par une légende qu’on lui avait racontée : " Le peintre Joseph Turner vivait, lui avait on dit, dans une cave. Tous les huit jours, il faisait ouvrir les volets et là... qu’elle incandescence, quel éblouissement, quel scintillement ! "
Lorsqu’on aborde la couleur, on entend le plus souvent parler avant toute chose de couleurs chaudes et de couleurs froides. En soit, cela ne veut pas dire grand chose dans la mesure ou une couleur va, dans la perception qu’on en a, dépendre des couleurs qui l’entourent. "Chaude" ou "froide" sont plus des appréciations esthétiques que physiques. D’un point de vue physique, cette opposition de couleur est à oublier au profit des véritables oppositions, des véritables contrastes qui définissent le rapport des couleurs. Ces contrastes sont au nombres de quatre :
- Le contraste de valeur
- Le contraste de couleur
- Le contraste de saturation
- le contraste de luminosité ou contraste de valeur
- Le contraste de surface
Il représente (schéma 3) l’écart de densité lumineuse entre les couleurs, le contraste maximum étant le contraste entre le noir et le blanc.
Point important. Si, du point de vue du physicien, le noir et le blanc ne sont pas des couleurs, du point de vue des matières utilisées dans la création ou le maniement d’images (peintre, dessinateur, restaurateurs...), je considérerais ces deux "teintes" comme des couleurs, dans la mesure ou pour nous, elles se pratiquent avec les mêmes caractéristiques physiques : les pigments et la couleur du support qui porte la peinture.
Remarque : Au niveau de l’infographie (mode RVB), il est à noter que le noir et le blanc peuvent s’utiliser comme couleur au niveau du "coloriage", mais qu’ils gardent tout deux la spécificité de leur aspect lumineux (présence ou absence de lumière).
Ainsi le blanc sera le résultat des trois primaires couleurs à leur intensité lumineuse maximale (255), le noir, celui de trois à leur intensité minimale (0).
Le contraste de couleurs (ou de teintes)
C’est-à-dire l’opposition que manifeste deux couleurs de même saturation, pour exemple le rouge et le vert. Il est à noter, qu’on peut comparer le contraste de couleur entre deux couleurs n’ayant pas le même niveau de saturation, ou de lumière, mais il faut garder à l’esprit la présence à ce moment là, d’un contraste de saturation ou de lumière. (schéma 4).
Dans l’exemple A, on a un contraste de couleurs saturées. C’est à ce niveau de saturation (disque chromatique) qu’on va évaluer les contrastes de couleur, - deux couleurs diamétralement opposées sur le disque chromatique étant en contraste maximum : ce sont des couleurs complémentaires.
Dans l’exemple B, ce sont les mêmes couleurs avec une luminosité différente - contraste de valeur -, mais on voit nettement que le contraste de couleur joue un rôle important par rapport à l’exemple C où on ne fait jouer qu’un contraste de valeur sur une seule couleur.
Les contrastes doivent pouvoir se penser indépendamment les uns des autres, mais leur action, elle, sera toujours une synthèse (et non pas une addition ou une soustraction) des contrastes en présences
Le contraste de saturation
C’est une notion subtile : la saturation est la quantité de couleur pour l’intensité du niveau de gris (schéma 5).
Exemple A : La dessaturation est obtenue par ajout des trois primaires voire, simplement, par ajout de la primaire la moins présente. La dessaturation entraîne ici un "changement de couleur".
Exemple B : le jaune est la couleur de base, 1 est la couleur complètement dessaturée, la couleur résultante est équivalente au niveau de gris du jaune de départ. Pour le carré 3, la dessaturation s’obtient par ajout des trois primaires et un léger obscurcissement, 3bis étant obtenu de la même façon avec éclaircissement. Le carré 4 étant obtenu de la même façon que dans l’exemple 3 mais dans une proportion différente des 3 primaires
Enfin dans l’ exemple à droite , on peut voir que le contraste de saturation se marie avec un contraste de couleur, le contraste de valeur étant très faible puisque les couleurs ont approximativement le même niveau de gris, le bleu à gauche étant la couleur du bas non dessaturée.
Le contraste de surface
Qui comme son nom l’indique, tient au rapport des surfaces en présence, et ne sera pas traité dans le cadre de cet exposé.
Conclusion partielle
Ces contrastes ne proviennent pas de règles établies mais du mode même de construction de la couleur, les contrastes sont des phénomènes naturels qu’il faut apprendre à maîtriser. Comment se construisent-ils ? Pour le comprendre, il est nécessaire de partir de la construction des couleurs à partir des couleurs primaires, mais avant cela, il est nécessaire de repréciser la différence entre couleurs matières et couleurs lumières.
Ce qui permet à nos yeux de percevoir une manifestation colorée, ce sont les ondes lumineuses (ou photon). Les couleurs que nous percevons sont des grains de lumière qui nous pénètrent. On comprendra facilement, que ces couleurs étant des lumières, ajouter des couleurs entre elles, c’est augmenter l’intensité lumineuse générale. Le systèmes de mélange est additif.
Remarque : il ne sera pas question ici du contraste de forme plus spécifique à la partie graphique de l’image ni du contraste chaud / froid qui est une façon plus "culturelle" d’aborder la couleur.
Lorsqu’on utilise des matériaux pour manier la couleur, ceux-ci portent la couleur grâce aux pigments, et les pigments sont des matières qui n’émettent pas de lumière (pas à notre niveau de perception), ils la "réfléchissent", ou plutôt, chaque pigment réfléchit la couleur qui lui est propre, mais absorbe l’ensemble des autres couleurs. Ainsi, si on mélange des pigments entre eux, on augmente les capacités d’absorption de la lumière, par la matière, et la couleur résultant du mélange s’obscurcit. Même avec du blanc, on ne fait qu’obscurcir le blanc ! Le mélange de couleur est soustractif.
On remarque alors que les couleurs primaires de l’un sont des couleurs secondaires de l’autre et réciproquement.
Nous voici, à la base de construction des couleurs : les primaires. Avant toute chose, il est important de bien avoir à l’esprit que, chaque couleur existante, existe en tant que telle en dehors de toute primaire ou de tout autre mélange de couleur, chaque couleur possédant une longueur d’onde qui la définit de façon intrinsèque, chaque couleur étant une longueur d’onde particulière du phénomène électromagnétique : les primaires permettent de recomposer les couleurs, pas de les "inventer".
Il existe trois couleurs primaires en lumière et en matière :
- dans le premier cas on trouve le rouge foncé -presque "rouille foncée"(RF), le bleu-violet(BV) et le vert "moyen"(V)
- dans le second cas, on trouve le magenta (M), le cyan (C) et le jaune (J). Leurs relations sont les suivantes :
- RF + BV = M
- RF + V = J
- BV + V = C
- M + C = BV
- C + J = V
- M + J = RF
Un autre facteur joue souvent en peinture qui va être la densité de pigment par quantité de matière et qui peut être plus ou moins forte dans les peintures mélangées.
Enfin, il est nécessaire de respecter un pourcentage particulier de chaque primaire matière pour obtenir réellement une primaire lumière, même si chaque mélange de primaire deux à deux peut être appelé "couleur secondaire".
Ces couleurs primaires, autant matière que lumière, sont tirées de ce que l’on appelle le disque chromatique, représentant l’ensemble des couleurs issues de la décomposition du spectre lumineux (schéma 6).
Selon les proportions du mélange que l’on fait d’elle deux à deux, on va obtenir l’une des secondaire du disque chromatique. Autrement dit, autant en lumière qu’en matière, le disque chromatique est composées de trois primaires et d’une infinité de secondaires ! Cet ensemble de couleurs est considéré comme l’ensemble des couleurs à pleine saturation et c’est l’opposition "géométrique" de ces couleurs de base qui définit l’origine du contraste de couleur.
On dit de deux couleurs qu’elles sont complémentaires quand elles se trouvent diamétralement opposées sur le disque chromatique.
Lorsque l’on éclaircie ses couleurs (augmentation de l’intensité lumineuse ou de la part de blanc) ou que l’on fonce (diminution de la quantité de lumière ou augmentation de la part de noir) on rentre dans la construction du contraste de valeur, c’est à dire, indépendamment de la couleur ou des couleurs, de l’écart de luminosité entre deux couleurs ou deux expressions de la même couleur (schéma 7).
Ce maniement de la luminosité est identique sur les couleurs tertiaires que nous allons aborder à présent..
Jusqu’alors, nous n’avons mélanger que deux couleurs, lorsqu’on en mélange trois, on rentre dans le domaine des couleurs tertiaires. A ce propos il est nécessaire de revenir un peu plus haut.
Lorsque dans une certaine proportion, on mélange les trois primaires, on obtient du blanc pour le mélange lumière, et du noir pour le mélange matière (mélange additif et soustractif de l’intensité lumineuse). Il n’y a qu’un pas pour comprendre que nous rentrons, en variant les proportions des primaires dans le mélange, dans le domaine de ce que nous appellerons globalement les gris.
Dans les couleurs tertiaires, les teintes se rapprochent, les rouges se rapprochent des verts, les orangés de certains violets.... Cette notion de gris, bien que distincte, est à rapprocher de celle de "niveau de gris", c’est à dire d’intensité colorée pour une luminosité donnée. D’un certain point de vue, une couleur tertiaire est toujours la dessaturation d’une couleur secondaire, c’est à dire un passage de cette secondaire vers un gris, une absence de couleur (le noir et le blanc étant alors exclus du registre des couleur).
Dessaturer, c’est amener progressivement vers le gris.
Pour exemple : imaginons un orangé, résultat d’un certain mélange de magenta et de jaune, au fur et à mesure qu’on introduira du bleu, l’orangé va perdre de son éclat jusqu’à un certain moment devenir gris (plus ou moins foncé), à partir de ce gris tiré de l’orangé, si on continue à rajouter du bleu, le gris se mettra à tirer sur le mauve si la part de rouge était plus forte dans l’orangé initial, ou vers le vert si c’était la part de jaune.
Une remarque : pour dessaturer les trois primaires, il est nécessaire d’ajouter les 2 autres couleurs primaire et non pas une, sinon, on ne fait que transformer la primaire en une couleur secondaire.
Dans la pratique, on part parfois de couleurs tertiaires que l’on considère comme "pures" (par exemple un bleu de Prusse ou une terre brûlée) et on la dessature à l’aide d’une autre couleur ou de la "complémentaire", mais en vérité, cette couleur est déjà, en un sens, la dessaturation d’une couleur secondaire. Ce type de dessaturation à partir de "couleurs complémentaires" (pris dans un sens plus large que la définition exacte) est un mode chromatique de dessaturation, parce que cette dessaturation s’accompagne d’un changement de couleur.
Mais on peut aussi dessaturer (de façon non chromatique) en mélangeant à une couleur une part égale de blanc et de noir (afin de ni l’éclaircir, ni la foncé), on va alors lui faire perdre de son pouvoir colorant et l’amener vers un gris moyen.
Le contraste de saturation est donc le contraste des forces de coloration qui existent entre les couleurs.
Les trois contrastes -valeur (luminosité) / couleur / saturation- sont intimement liés par le caractère flottant de la couleur, et le plus souvent c’est un équilibre ou un mouvement entre ces trois contrastes à la fois qui est pratiqué.
Par contre, l’orientation vers un contraste plutôt que vers un autre entraîne des changements d’atmosphère aussi fort, sinon plus que les changements de dominante couleur.
Enfin, un mot sur le contraste de surface, qui ne dépend pas des couleurs à proprement parlé, mais qui, pour sa lecture nécessite malgré tout un certain contraste général entre les couleurs employées (mettre un point de jaune dans une surface d’orangé clair, ne se verra pas, le mettre sur une surface bleu, le ferra ressortir beaucoup plus).
Le contraste de surface dépend donc des autres contrastes, mais il n’est pas non plus qu’un contraste de grandeur. Le positionnement relatif des éléments influera sur ce qui est mis en avant (centré le point n’aura pas le même impact que le mettre dans un coin, en bas, à droite par exemple). De cette manière, le contraste de forme devient en quelque sorte la synthèse du contraste de surface et du positionnement relatif des forces colorées.
Pour résumer
Le contraste est à l’image ce que l’intonation est à la voix, c’est la mise en relief du message, de ce qui est exprimé, c’est aussi la mise en évidence de la lecture d’une image, et plus que le choix des couleurs ou des dominantes de couleurs, c’est la maîtrise des contrastes qui vous permettra de faire de votre image, ce que vous voulez en faire.
Au niveau de la lecture d’un tableau que l’on doit restaurer, sont état d’encrassement est souvent immédiatement "appréhendable" et estimable par la diminution des contrastes qu’il entraîne. Néanmoins, il convient de toujours rester prudent dans la mesure ou certains effets entraînant un manque de lisibilité de l’image, peuvent provenir de phénomènes intrinsèques aux matériaux et non à l’encrassement ou à l’oxydation du vernis.
Il existe 4 contrastes se définissant à partir de la nature même de la couleur et de ses vecteurs de représentation :
- Le contraste de valeur (de lumière)
- Le contraste de couleur (lié au disque chromatique)
- Le contraste de saturation (lié à l’intensité colorée du vecteur de représentation, ou de notre perception -par exemple par faible lumière, les couleurs non seulement s’assombrissent mais perdent aussi de leur "pouvoir colorant")
- Le contraste de surface (lié au rapport de superficie et au positionnement relatif des masses colorées).
Facteurs d’influence
Dans la pratique, le maniement des couleurs dépend de deux facteurs principaux :
- le type de matière utilisée
- le support et sa préparation.
D’une manière générale on considère que toutes les matières possèdent une certaine transparence, plus ou moins forte, pour deux raisons : la quantité de pigments et la transparence de ces pigments (on considère le médium comme transparent).
Toutes les matières colorées se présentent sous le même aspect : un mélange de liant et de pigments. L’utilisation de ces matières peut s’accompagner d’un solvant et/ou d’un médium. Le solvant dissout la matière, c’est-à-dire la rend plus fluide, mais en contre partie plus transparente, le médium rend aussi la matière un peu plus transparente, mais il en transforme surtout la brillance, l’onctuausité, et le rendu d’une manière plus générale.
Mais, en quoi, le maniement de la couleur dépend-il du support ?
Plusieurs raisons à cela :
- Si les matières sont effectivement plus ou moins transparentes, la couleur du support va se percevoir à travers la matière qu’on y dépose. Intuitivement, cela s’entend et il arrive qu’il faille lutter contre une couleur de support ou qu’on l’utilise, on peut même préparer son support de telle sorte qu’il contienne une couleur de fond.
- L’absorption des liants ou médiums de la peinture utilisée. Cela aura pour conséquence de mâtifier la couleur et donc d’en changer notre perception.
- Le grain de celui-ci : la granulosité et le relief du support va entraîner des ombres et des reflets qui peuvent modifier plus ou moins sensiblement la couleur, ou tout du moins, encore une fois, la perception qu’on en a.
Le nuancier
L’utilisation de la couleur s’effectue à partir d’un "nuancier", comme les pastilles d’aquarelle, ou depuis une palette. Il est utile dans les deux cas de ranger ses couleurs selon un ordre qui restera toujours le même afin de mémoriser plus facilement les mélanges et la disposition des couleurs. L’ordre des couleurs recommandé suit le schéma ci-après (schéma 8). On part du rouge, on passe par les terres en finissant sur l’ocre jaune, on passe au jaune, puis au vert, puis au bleu. En bout de palette, de façon centrale on place le blanc et le noir. On dispose ainsi d’une palette répondant au disque chromatique, le blanc et le noir étant des adjonctions de luminosité, d’obscurité ou d’une dessaturation achromatique.
On entend souvent certains profs dire qu’il faut "abuser" du blanc et du noir, d’autres qu’il ne faut pas utiliser de noir... Il n’y a en fait aucune règle au niveau de la création, sinon celle de pratiquer des mélanges de couleurs selon ce qu’on veut obtenir.
D’une manière générale, foncer une couleur à partir du seul noir fait perdre de l’éclat à cette couleur (dessaturation), et il convient effectivement souvent, ou bien de foncer à l’aide d’une ou deux couleurs "complémentaires", ou bien de "réchauffer" ou de refroidir le noir avec une autre couleur, soit lors de l’obscurcissement d’une couleur, soit pour l’utilisation pure du noir lui-même.
Il n’y a pas de règle absolue, et chacun fait comme il veut, comme il peut, cet ordre, donné à titre indicatif, permet d’introduire les couleurs terres dans un ordre suivant le disque chromatique, il est facilement "retrouvable" et les couleurs sont à peu près en face de leur complémentaire.
Il est nécessaire de savoir que les mélanges de plus de trois couleurs présentent deux désavantages :
- le premier est que la couleur résultante risque de griser, sur le moment ou après séchage,
- le second est qu’en cas de besoin, il sera plus difficile de retrouver une couleur si le mélange qui l’a fait naître est compliqué.
Une remarque sur le blanc et le noir ; si, effectivement on peut considérer le blanc et le noir comme quelque chose qui n’est pas de la couleur à proprement parlé (puisque le spectre lumineux ne possède ni blanc ni noir), au niveau de la peinture, il existe différents blancs et noirs qui prennent des teintes différentes selon le pigment qui les compose.
Dernière remarque sur la palette de couleurs utilisée : il vaut mieux bien maîtriser une palette ne comportant pas trop de couleurs, que se perdre dans une palette comportant un trop grand nombre de couleurs.
Voici un exemple de palette permettant une grande richesse de teintes en limitant les couleurs :
- Blanc de titane (ou mixte)
- Vermillon (ou rouge japonais clair, ou rouge cadmium orangé)
- Rouge cadmium foncé (ou moyen, rouge cadmium foncé)
- Magenta
- Éventuellement une laque de garance
- Terre de sienne brûlée Terre d’ombre brûlée
- Éventuellement une terre d’ombre naturelle (s’obtient par mélange d’ocre jaune et terre d’ombre brûlée)
- Terre de sienne naturelle
- On peut éventuellement remplacer cette gamme de terre par les gammes dites de mars et disposer d’autres terres (cramoisie, de puzzle...) sachant que ce sont des peintures qui ne coûtent pas chères. Les terres sont des couleurs extrêmement importantes, qui permettent d’atteindre des couleurs naturelles pour les paysages, des teintes de chair particulièrement belles...)
- L’ocre jaune (extrêmement important), permet d’éclaircir ou de casser certains tons sans trop en changer la couleur, mais sans trop les dessaturer non plus, le changement de luminosité entraînant d’un certain point de vue une dessaturation. On peut éventuellement utiliser un jaune de mars,ais ce n’est pas tout à fait pareil.
- Jaune cadmium
- Jaune de chrome
- Vert cadmium (ou vert moyen)
- Terre vert
- Vert émeraude (semi-transparent à transparent)
- Bleu céruléum (ou turquoise, ou cyan)
- Bleu de cobalt
- Bleu outremer
- Noir d’ivoire (accompagné éventuellement avoir un noir de vigne ou de suie)
Dans sa forme la plus réduite cette palette possède 17 couleurs, que l’on pourrait encore réduire, quoi qu’il en soit, plus de 20 couleurs sur une palette devient une gageur, et le meilleur moyen de s’y perdre.
Théoriquement, si on les choisit bien, on peut se contenter de huit couleurs seulement.